LES TROUBLES ALIMENTAIRES: LES CONSÉQUENCES DE LA PERFORMANCE

- Magali Mansion

Vous êtes ce type de personnalité qui n'arrêtent jamais. L'obsession de performer n'est pas assez fort pour décrire tout l'engagement que vous avez envers l'atteinte de votre objectif. De tous les sports de compétition qui impliquent un combat contre la montre, un combat contre l'adversaire ou un combat contre soi-même, il y a de ces moments où ralentir n'est pas une option, mais après la compétition, cela devient une nécessité. Essentiel pour votre corps, vos résultats et votre esprit, ce momentum imposé par votre coach, autant bénéfique est-il, il met en surface le visage caché de la performance qui s'appelle parfois pour certain : la compulsion.

Selon le REMSCHMIDT, H & DAUNER, I (1970), un des nombreux glossaires de psychologie, on parle de compulsion lorsqu'une tendance intérieure impérative nous pousse à accomplir une action. Cette tendance est irrésistible et les actions apportent un soulagement temporaire. Dans certains cas, ceci est souvent relié à une anxiété intérieure, et ce qui en précède peut parfois être de la culpabilité qui alimente dans une roue sans fin encore une fois la pensée anxieuse. La Compulsion est un comportement, l'obsession: une pensée.

Performer pour gagner demande de développer cette pensée obsessive. La discipline nécessaire pour respecter les entraînements rigoureux et les restrictions alimentaires est bonifiée par ce comportement compulsif. Cependant, la ligne est mince et le pas est petit à faire entre performance et déséquilibre. Lorsque le but est atteint, que nous avons franchie la ligne d'arrivée, que la compétition est terminée, comment arrêter un train que vous avez poussé de toute vos forces pour en arriver jusqu'à ce moment ultime? Que se passe-t-il les jours suivants alors que l'adrénaline est redescendue, que les projecteurs sont éteints et que les entraînements obligatoires sont soudains remplacés par du repos.

Les premières émotions qui feront surface peuvent être de se sentir désorienté et démotivé. Il est fréquent de ressentir alors un vide intérieur ou encore un sentiment d'angoisse. Alors que l'obsession et la discipline était valorisé il a peu, maintenant que je dois ralentir, j'ai l'impression de ne pas avoir de but précis, de ne plus être discipliné, j'ai peur de perdre ce contrôle qui m'a permis de tenir le coup jusqu'au bout et de ne pas tricher un entraînement ou mon plan alimentaire. Dans un contexte de performance, oui, l'autre revers de la médaille, c'est aussi les compulsions alimentaires; tel que la boulimie, l'anorexie, la dysmorphie musculaire ou appelé aussi la bigorexie. Selon le site de l'aneb (anorexie et boulimie du Québec), les troubles alimentaires seraient en constante augmentation et cela toucherait environ 10% de la population dont 90% serait des femmes. Nous avons tendance à associer les troubles alimentaires particulièrement aux jeunes filles âgées entre 12 et 18 ans. Ce chiffre est biaisé. Lorsque l'on parle de bigorexie, ce trouble alimentaire très fréquent chez les hommes dans la population sportive, mais peu en parle.

Pour vous aider à mieux comprendre les différences, je vous propose rapidement un résumé des troubles rencontrés fréquemment en milieu sportif, qui peuvent se manifester avant, pendant ou après l'atteinte de l'objectif choisi:

De façon générale, les troubles alimentaires englobent un ensemble de comportement, de croyances, et de pensées extrêmes; envers la nourriture, envers la perception de son image corporelle et de son poids. Le trouble alimentaire le plus connu est l'anorexie. Il se caractérise par un refus total de vouloir s'alimenter, accompagné de comportements compensatoires qui entraîne une sous-alimentation majeure et un amaigrissement très rapide nécessitant l'hospitalisation. Ce trouble à un stade avancé peut être présent autant chez les sportifs que la population en générale, mais est toute fois moins répertorié, car la sous-alimentation ne permet pas très longtemps à la personne de soutenir un entraînement sportif intense permettant la performance. Toutefois, si vous croyez cependant connaître quelqu'un qui pourrait présenter des symptômes, je vous invite à consulter le site internet de l'ANEB pour plus de détails sur la maladie et les ressources d'aides disponibles.

En ce qui a trait au trouble le plus répandu, c'est la boulimie qui figure en premier pour les sportifs de plusieurs domaines.

La boulimie se traduit par une perte de contrôle face à la nourriture. Elle est souvent concomitante à l'hyperphagie qui est caractérisé par l'absorption d'une grande quantité d'aliments dans un laps de temps très court. Cela est souvent décrit comme des moments de rages alimentaires incontrôlables (binge eating), tant sur la quantité que sur la qualité, souvent fait en cachette. Les préoccupations excessives et la discipline que l'on avait réussit à maintenir le long de la préparation sportive, font maintenant place à un sentiment de perte de contrôle, de culpabilité et de honte. Le sentiment d'anxiété pousse alors la personne à adopter un comportement compensatoire pour purger l'excès de nourriture. Vomissement, laxatifs, diurétiques, jeûne ou exercice physique excessif sont des moyens qui sont fréquemment utilisés.

Depuis tout récemment, le DSM-5 reconnaît comme une entité clinique l'hyperphagie boulimique. Ce trouble alimentaire se distingue de la boulimie seule, car dans ce cas, la personne aura des épisodes de rages alimentaires excessifs mais n'utilisera pas de méthode compensatoire. Ce type de boulimie engendre donc automatiquement une surcharge pondérale majeure ainsi que tous les troubles de santés associées qui en découlent inévitablement.

La bigorexie ou appelée dysmorphie musculaire est un trouble de santé encore méconnu. Selon des dernières statistiques non officielles, on estime que 10-15% des sportifs en souffriraient. On parle ici de dépendance intense à une activité sportive et à son dérivé tel qu'une alimentation très restrictive. Ce type de comportement est bien connue dans le monde du fitness et bodybuilding. La personne qui ne peut respecter son horaire d'entraînement ou ses horaires de repas développera un fort sentiment de culpabilité et d'inquiétude face à une possible dégradation de sa condition physique. La bigorexie est souvent exprimée par la sensation d'être trop petit, pas assez musclée, n'ayant pas un pourcentage de gras assez faible, ou encore de ne pas performer assez dans le cadre d'une autre discipline sportive. Selon la Chercheur Laurence Kern de l'université de Nanterre en France, ce sont des gens qui continuent à s'entraîner même lorsqu'ils sont malades ou épuisés. Dans les caractéristiques décrites, cette obsession du corps et du résultat pousserait la personne à consacrer plus de temps à ses entraînements au détriment de ses relations personnelles, de son travail ou de sa santé. L'atteinte obsessionnelle de la condition ou de la performance parfaite inciterait certain à la prise excessive de suppléments alimentaires non-appropriés ou de stéroïdes. Ce type de trouble est un phénomène difficile à cibler car le culte du corps dans la société actuelle valorise hautement l'activité sportive et la discipline nécessaire qui en découle. Comme l'individu est perçu comme plus en santé et performant que la moyenne de la population, il est difficile d'en mesurer tous les impacts.

En regard de ce qui précède et mis dans un contexte de compétition sportive de tout type, on peut penser que ni le coach, ni l'athlète, ne veut se préoccuper de ralentir la cadence, même si elle est obsessive, et ce, jusqu'à l'atteinte du but fixé. Cependant, après la compétition, que se passe-t-il autant au niveau psychologique que physique, dans le corps qui a été si intensément mis à l'épreuve? Comment retrouver l'équilibre et le maintien d'une routine sportive saine alors que toutes nos pensées et nos comportements ont déjà atteint des niveaux extrêmes de restrictions, sans tomber dans des compulsions alimentaires maladives ?

Nos taux de sérotonine et de cortisol auraient un impact majeur sur nos comportements alimentaires.

Avant de poursuivre, vous devez savoir que dans les dernières années, certaines recherches ont mis en évidence des possibles prédispositions de facteurs génétiques, neuroendocriniens et psychologiques en lien avec les troubles alimentaires. Les traits de personnalité tels que le perfectionnisme, l'envie de prouver nos capacités dû parfois à un faible estime de soi, le fait d'être extrémiste et d'entretenir des pensées négatives conduisant à de fausses croyances, sont des facteurs qui augmenteraient la prédisposition à développer des troubles alimentaires. De plus, les régimes restrictifs qui ne sont pas dispensés par des professionnels de la santé qualifiés, risquent grandement de créer des dérèglements endocriniens majeurs et donc de jouer sur votre cortisol et votre taux de sérotonine. Effectivement, les recherches ont démontrées que ce neurotransmetteur, la sérotonine, a un impact sur votre humeur (bonheur/déprime) et qu'il joue un rôle important dans la stimulation du centre de la satiété (arrêter de manger quand je n'ai plus faim). Selon le chercheur Dr Steiger de l'institut de recherche Douglas à Montréal, n'importe qui pourrait développer un trouble alimentaire si la personne a recours à un régime alimentaire trop restrictif. De plus, il faut prendre en considération que tout défi sportif que vous avez décidé de relever vous amènera à surmonter de nombreux obstacles, tant psychologiques que physiques. La gestion de ses épreuves quotidiennes déterminera la réponse de votre organisme en vue de s'adapter s'ils sont perçu comme désagréable ou nuisibles. Dans ce cas, ce sont les glandes surrénales qui seront sollicitées. Le cortisol, souvent associé au stress, joue également un rôle important dans votre corps. Lorsque cela s'étale sur une longue période de temps, comprenant le ''avant'' l'épreuve sportive, ''pendant'' et ''après'', nous pouvons quasi parler de stress chronique prolongé. On parle ici d'une hyperactivité de l'axe hypothalamo-hypophysio-surrénalien (HPA). Selon plusieurs études parallèles en lien avec les états dépressif et les troubles alimentaires, l'axe HPA jouent un rôle prédominant dans plusieurs systèmes de neurotransmetteurs dont la sérotonine, la noradrénaline et la dopamine. Ceux-ci sont tous directement impliqués dans votre état psychologique de bonheur/déprime, tel que mentionné plus haut par le Dr Steiger de l'institut de recherche Douglas à Montréal.

Comment prévenir les troubles alimentaire et la sensation de déprime après une épreuve sportive ?

Avant de s'aventurer dans un défi dont le processus demande un total engagement de vous-même et de plusieurs sphères de votre vie (familiale, financière, amoureuse etc.), il est essentiel de se poser les questions suivantes:

1) Qu'est-ce que cela va m'apporter à long terme?

2) Est-ce que cela m'aide à me construire ou à me déconstruire?

3) Est-ce que je me sens bien dans chacune des étapes?

4) Est-ce que je reçois le soutient de gens que j'aime autour de moi?

Ensuite, avant de débuter un processus, assurez-vous de cultiver des pensées réalistes face à votre corps, vos résultats et bien sûr la nourriture. Si vous venez tout juste de terminer un concours en fitness/bodybuilding, il serait important de discuter avec votre coach d'un plan de soutient post-compétition pour assurer à votre corps un retour graduel à une alimentation fonctionnelle et équilibrée dans le but de soutenir votre système endocrinien mis rudement à l'épreuve. L'objectif est de favoriser l'harmonisation de tout votre système endocrinien, mais particulièrement la sécrétion maximale de sérotonine et la régularisation de votre cortisol. Bien sûr, l'ajout de suppléments alimentaires spécifiques, une bonne qualité de sommeil et une activité physique modérée, sont des outils à ne pas négliger. Tenez également compte que les pensées et les émotions sont des informations qui influencent grandement vos hormones et elles ne sont pas à négliger pour vous aider à maintenir des comportements sains durant la période post-compétition.

Voici cinq comportements à adopter post-compétition pour vous aider à garder un équilibre:

1) Changer mes pensées:

Il y a de cela des mois que vous vous dites que de manger ceci ou cela n'est pas permis avec votre petite phrase que vous répétez plusieurs fois par jour ! : «Ha ! Non je ne peux pas ! Je n’ai pas le droit ! Je suis à la diète !»

Il y a de cela des mois vous faisiez la course au pourcentage de gras idéal, vous vous faisiez un honneur de rester discipliné envers votre plan alimentaire et de ne pas toucher au pain, aux confiseries ou autres tentations. Cela fait des mois que tous vos comportements; vos heures de repas, votre temps d'entraînement, l'organisation des lunchs, vos sorties et tous les autres choix que vous deviez faire dans la journée étaient fait en fonction de cette unique pensée d'atteindre votre objectif. Vos comportements sont toujours cohérents avec vos pensées. Plus vous pensez que c'est important de gagner ce concours, plus vous adopterez une discipline sévère et respecterez le plans établi.

Après la compétition, non seulement, du jour au lendemain vous vous retrouvez sans objectif précis, mais en plus vous avez la possibilité de manger ce que vous voulez et parfois aussi mis au repos sans entraînement. Toute votre rigueur psychologique est déstabilisée. Changez vos pensées en adoptant maintenant un objectif d'équilibre qui inclus l'acceptation d'une période de repos pour votre corps et l'adoption d'une alimentation différente qui vous permettra de mieux performer plus tard. L'idée est de ne pas développer de pensées anxieuses ou de sentiment de culpabilité si votre pourcentage de gras change ou que vous n'avez tout à coup plus envie d'aller vous entraîner. Soyez tolérant envers vous-même en vous disant que vous avez confiance en vous, que cette période de transition est normale et bénéfique, et que finalement, l'être humain ne peut maintenir à long terme un haut niveau de restriction alimentaire. Dites-vous que cela n'a rien à voir avec votre capacité à être discipliné ou non.

2) Méditer :

Plus particulièrement la méditation de pleine conscience, qui est diffère de la méditation de relaxation. Placez-vous dans une position confortable et concentrez-vous sur les sensations ou vos perceptions en les laissant passer sans porter de jugement ou vouloir les contrôler.

Selon les résultats d'une étude parue dans Biological psychiatry, les sujets ayant participé pendant seulement trois jours à un entraînement de méditation démontraient une augmentation significative de la connectivité dans le cortex préfrontal dorsolatéral du cerveau, particulièrement dans les aires reliées à l'attention et le contrôle du comportement.

Ce type de méditation appelée aussi en anglais (Mindfulness) serait très efficace en ce qui a trait à l'élévation des niveaux de sérotonine, car elle en stimulerait les récepteurs. Si cela vous intéresse, vous pourrez facilement trouver ce type de méditation sur YouTube.

3) Faites-vous masser :

Les massages ont une influence immédiate sur nos niveaux de sérotonine. Il est démontré au cours d'étude sur le sujet, que les massages de détentes sont un moyen efficace de réduire la production de cortisol de près de 31%. Lorsque notre cortisol est à un niveau plus bas, cela permet à notre cerveau une production optimal de sérotonine. Si votre niveau de cortisol est bas et que vous êtes dans un état de détente, vous risquerez également de moins d'adopter des comportements alimentaires compulsifs et de mieux gérer vos états émotifs. Si votre budget vous le permet, après votre épreuve sportive, faites-vous masser toutes les semaines pour en ressentir tous les effets positifs.

4) Allez marcher dehors :

La lumière extérieur influence notre niveau de sérotonine et de vitamine D. De plus, marcher à l'extérieur à un rythme qui n'est pas dans un contexte compétitif vous permettra de vous laisser absorber par les éléments du paysage et vous plonger dans un état de contemplation qui est sensiblement un état semi-méditatif. Marcher à un rythme régulier et vous concentrer sur vos pas vous permettra d'être dans le moment présent et d'abaisser de ce fait votre cortisol. Vous pouvez en profiter pour entretenir des pensées positives de sérénité et de calme. Je vous recommande de marcher 15-20 min tous les jours, si cela est possible. Si vous sentez que vous êtes sur le point de céder à un comportement alimentaire compulsif, allez marcher tranquillement 5 minutes, car même d'une durée très courte cela est suffisant pour en ressentir les biens-faits et pour vous aider à vous recentrer.

5) Écoutez de la musique :

Il est possible que vous ayez une musique spécifique qui vous motive pour la compétition. Choisissez une musique spécifique pour ''l'après'' compétition. Cette musique devrait être associée à votre retour à l'équilibre, au repos ou alors à une transition vers le prochain défi. Elle devrait vous faire ressentir du bien-être et de la détente dans le but d'abaisser votre niveaux de stress et d'apaiser des pensées anxieuses. Cette musique peut être associée à des images ou à des mots reliés au bonheur et à la satisfaction du maintien d'un mode de vie sain. Utilisez cette musique ou dans les moments où vous sentez que vous vivez un sentiment de déprime qui pourrait éventuellement mener à une compulsion alimentaire. Je vous suggère de l'intégrer dans votre routine du matin pour démarrer votre journée.

Finalement, soyez tolérant envers vous-même dans le post-compétition. Considérez que votre jugement peut-être affecté par l'alimentation restrictive et le dérèglement de votre système hormonal. Assurez-vous d'être entouré de personnes de confiance qui vous apporteront leur soutient quand vous en aurez besoin. Planifiez une période de repos après la compétition, et félicitez-vous pour les défis que vous avez relevés, aussi petits soient-ils. Adoptez les 5 comportements gagnants proposés ici, mais si vous croyez souffrir d'un des troubles présentés dans cet article, parce que vous ressentez un sentiments d'anxiété, de déprime et que vous avez des comportements compensatoires fréquents à raison de deux fois par semaine et plus, nous vous recommandons d'en parler sans tarder à des gens dans le domaine ou composez le 1-800-678-9011 de la clinique St-Amour pour un soutient immédiat.

 

Source:

https://www.biologicalpsychiatryjournal.com/article/S0006-3223%2816%2900079-2/abstract

https://futura-sciences.co/article/marie-célinejacquier/09/02/2016 https://www.journaldelascience.fr/article https://lecerveau.mcgill.ca/flash/a/a_08/a_08_m/a_08_m_dep/a_08_m_dep.html sérotonine et autres molécules impliquées dans la dépression (document web ) https://lecerveau.mcgill.ca/flash/d/d_08/d_08_m/d_08_m_dep/d_08_m_dep.html https://sain-et-naturel.com https://www.cliniquestamour.com/ https://www.douglas.qc.ca/info/troubles-de-l-alimentation-qu-est-ce-que-c-est Science et comportement (1991) Vol.21 n4 p291-314, traitement cognitivo-comportementalistes de la boulimie, Ivan-Druon Note, Hopital de Sainte-Marguerite, Marseille info Anorexie & Boulimie. Causes et incidences ( document web) : http:www.anorexie-boulimie.com/causesetincidencesanorexieboulimie.htm. Vanier, P. et Lefrançois, P. troubles de l'alimentation (Anorexie/boulimie). . Glossaire de psychologie : remschmidt, H & Dauner, I (1970),